d'après un conte des Indiens Wintsus ( Contes Indiens de Michel Piquemal )
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Au début des temps, le Grand Esprit, qui était dans le ciel, décida de peupler la terre. Il appela deux frères Aigles et leur expliqua ce qu'ils devaient faire:
<< Vous allez vous rendre près du vieux chêne sur la montagne de l'Ouest. Là, vous creuserez un trou, et c'est par ce trou que je ferai sortir la race des hommes. Mais auparavant, à l'aide de blocs de pierres, vous construirez un chemin en direction des nuages.
J'y mettrai une source d'eau vive.
Ainsi plus tard, lorsque les hommes seront vieux, ils grimperont sur cette route , boiront de cette eau et retrouveront leur jeunesse.
Personne ne mourra ! Les hommes et les femmes vivront séparément . Ils ne feront pas d'enfants. Ils seront tous comme des frères et des soeurs.
Ils ne travailleront pas non plus.
Je ferai pousser des arbres avec des fruits sans cosses ni coquilles, des fruits qui tomberont d'eux-mêmes des branches. Ainsi, pour se nourrir, les hommes n'auront qu'à les ramasser. Leur vie sera plus douce que le miel, sans soucis ni troubles,
sans jalousies ni travaux pénibles.
Lorsqu'ils seront vieux, à nouveau, ils reprendront la même route ,
boiront l'eau de ma source et retrouveront vigueur et jeunesse.
Allez, mes amis, et que ma volonté soit faite ! >>
Les Aigles s'envolérent vers la terre et commencérent à creuser le trou demandé par le Grand Esprit. Puis ils se saisirent de pierres et les entassérent afin de former une route qui monterait en escalier vers le ciel. Ils travaillérent dur et leur pouvoir était grand. Le premier jour, la route était aussi haute qu'une maison. Le second jour, aussi haute que le plus gigantesque des arbres. Le troisiéme jour, aussi haute qu'une colline. Et ainsi de suite, plus haute, toujours plus haute.
Le sixiéme jour, elle touchait les nuages...
Mais au matin du septiéme jour, alors qu'ils s'appliquaient à empiler encore et toujours des blocs de rochers, ils virent arriver du Sud une drôle de silhouette qui venait à leur rencontre.
Lorsqu'elle fut toute proche , ils s'aperçurent que c'était un vieil homme portant une peau de coyote sur la tête et les épaules. Il était par ailleurs superbement vêtu, avec une belle tunique brodée, des mocassins en peau de lapin et un collier autour du cou.
Les Aigles ne le reconnurent pas , mais nous qui le connaissons bien aujourd'hui, savons qu'il s'agissait de Vieil - Homme Coyote (*). Il s'assit près d'eux pour les regarder travailler. Puis il se décida à leur adresser la parole :
<< Mes amis, leur dit-il, arrêtez un instant votre travail et venez bavarder avec moi. Vous le savez, c'est la coutume, lorsqu'un ami vient vous visiter ! On s'arrête et l'on s'assied avec lui pour discuter un peu. >>
Mais les deux Aigles ne lui répondirent pas. Ils étaient bien trop occupés.
<<Mes enfants, insista-t-il, arrêtez-vous , juste un moment. Cela vous reposera et vous me raconterez ce que vous faites. J'ai la réputation d'être un homme sage. Peut-être vous dirai-je des choses qui vous seront utiles.>>
Comme les deux Aigles continuaient à lui adresser un silence buté, sa voix se fit plus menaçante :
<<Je ne vous veux pas de mal. Au contraire, je souhaite vous aider. Mais si vous ne voulez pas vous asseoir quelques instants avec moi, je détruirai votre travail car je posséde de grands pouvoirs. >>
Les deux Aigles furent bien ennuyés. Comme ils craignaient de voir leur oeuvre détruite, ils s'arrêtérent de travailler n vinrent s'asseoir à ses côtés et lui posérent quelques questions de pure politesse.
<< D'où venez-vous donc, Grand-Père ? Et où vivez-vous ? >>
<< Mes chers enfants, leur dit Vieil - Homme Coyote , je n'habite pas très loin d'ici et je vous ai entendu remuer ces blocs de rochers. Je suis venu voir et parler avec vous afin de comprendre ce que vous voulez faire. >>
<< Très bien ! répliquérent les deux frères. Nous allons te le dire . Nous construisons une route qui montera vers les nuages. Nous la faisons à la demande du Grand Esprit. Car cette route n'est pas pour nous. Elle servira à une nouvelle race d'hommes qu'il va bientôt faire sortir de terre. >>
<< Comment ! ? s'écria Vieil - Homme Coyote en colére, vous travaillez pour le Grand Esprit et vous croyez ce qu'il vous dit. Ce ne sont que des sottises. Moi je ne crois pas le Grand Esprit ! >>
<< Grand-père , le coupa l'aîné des Aigles. Ne parle pas ainsi , je n'aime pas qu'on dise du mal de Celui qui crée toute chose. Ecoute plutôt et vois comme sa parole est juste.>>
<< Très bien, j'écoute ... car je suis curieux de savoir pourquoi il souhaite que vous bâtissiez cette route. >>
<< Bientôt, un nouveau peuple va sortir de terre et il se répandra partout dans le monde. Le Grand Esprit veut qu'il n'ait ni soucis, ni troubles.
Selon sa volonté, ce peuple n'aura pas à travailler car le Grand Esprit fera pousser des arbres qui donneront des fruits sans cosses ni coquilles .
Ils tomberont seuls des branches , et les hommes n'auront qu'à les ramasser, sans le moindre labeur.
Hommes et femmes vivront comme frères et soeurs ; lorsqu'ils seront vieux, ils ne mourront pas. Quand ils sentiront leurs forces décliner , ils emprunteront cette route qui les ménera vers les nuages. Là, ils boiront à une source d'eau vive que fera jaillir le Grand Esprit et cette eau leur redonnera la jeunesse.
Que penses-tu de cela ? N'est-ce pas l'oeuvre d'une grande sagesse ? >>
<< Sage ? répliqua Vieil - Homme Coyote. Tu trouves cela bon et sage ?
Je vais te dire , moi, ce que j'en pense (...)