Avec le XXe siécle, on commence à voir les Indiens dans une perspective nouvelle.
Leur attachement à la terre américaine avait maintes fois été proclamé avec éloquence par les chefs vaincus. Leur révérence pour leur Mère la Terre, ressassée jusqu'au cliché, finit par être repensée. Souvent associée au chef Seattle, dont le discours apocryphe est devenu un cri de ralliement des écologistes et du New Age, elle inspire aujourd'hui les défenseurs des espaces menacés ou dévastés par les excés de l'industrialisation.
A mesure que l'on s'éloigne des grandes confrontations des guerres indiennes, les Indiens sont idéalisés plutôt que dénigrés.
Leur courage devant l'adversité, l'histoire de leur résistance, de leur fragile renaissance au cours du XXe siécle sembelnt un salutaire démenti aux interprétations évoltionnistes du siécle dernier.
Le XXe , qui devait conduire inéluctablement à leur disparition annoncée, s'avére celui de leur affirmation identitaire. C'est aussi celui de leur redressement, difficile sur le plan économique, mais notable sur le plan démographique et politique.
Rétrospectivement, le XXe apparaît comme le siécle du grand retournement, de l'expression de formes de résistances multiples et d'expressions de renouveaux dans le domaine social, diplomatique et littéraire.
Voilà qui n'était pas prévu... non plus. Ce surgissement d'une force que l'on croyait perdue, ces grandes questions remises à l'ordre du jour - révérence pour la Terre-Mère, droit des minorités, droits des autochtones, reconnaissance des arts permiers. ces grands thémes se sont cristallisés dans des propositions nouvelles.
La derniére décennie du XXe apparait comme celle des bilans. L'année 1990 marque le centenaire du massacre de Wounded Knee, date de la fin de la résistance armée des Indiens et de la fermeture de la Frontiére. L'année 1992 fut celle du cinquiéme centenaire de la Découverte , terme d'ailleurs fermement contesté par les Amérindiens du Nord et du Sud. A leur demande, cette date anniversaire a été définie par l'UNESCO comme celle de la Rencontre de deux mondes. Par l'intermédiaire des Nations unies, le 12 octobre est devenu officiellement " Journée des peuples autochtones " .
Depuis 1995, des négociations ont eu lieu sur la scéne internationale, dans le cadre de la Décennie des peuples autochtones , proclamée par les Nations unies. Elles ont abouti à la Déclaration sur leurs droits, toujours débattue dans le cadre de la Commission des droits de l'homme de l'ONU.
Par ailleurs, le 1er Avril 1999, les Inuits du Grand Nord canadien ont obtenu la reconnaissance d'une patrie, ainsi que le pouvoir de l'administrer, avec la création du territoire autonome du Nunavut ( Notre Terre). L'appartion sur la carte du monde de ce territoire cinq fois grand comme la France, peuplé à 85% d'Inuits, est une premiére dans l'histoire autochtone. Qu'elle suscite l'enthousisame ou le scepticisme, la création du Nunavut est une date historique et une affaire à suivre...
Mais le phénoméne le plus marquant a été , à l'échelle du continent américain, et particuliérement aux Etas-Unis, celui de l'affirmation de la parole et de la pensée amérindiennes dans des domaines aussi divers que le droit international, la presse, le cinéma.
En matiére économique, et au grand dam de certains observateurs, les Indiens se sont dotés d'un atout nouveau, à haut risque et au potentiel encore mal mesuré : l'ouverture de casinos dans les réserves. Le monde amérindien, que l'on disait moribond, semble toujours renaître de ses cendres, sous des formes inattendues.
Mais n'est-ce pas désormais un Autre Monde?
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extrait de : Voix indiennes, Voix américaines
-les deux visions de la conquête du Nouveau monde-
Terre indienne- Albin Michel