Loin du village des Chinooks, la riviére étendit ses mains tentatrices, humide prophétie de fertilité et de terres nouvelles. La voix de la riviére , vert tonnerre de puissance, franchit les mers; ses histoires de saumons, de berges moussues, de champs en friche et de myrtilles mûres se propagérent jusqu'au pays qui avait pour nom Empire du Milieu.
Là-bas, elles inondèrent les plaines asséchées telle une pluie de printemps, grisantes, éternellment neuves.Les histoires de la rivière s'abreuvaient à la terre et au coeur des hommes, pendant que les hommes buvaient leur pouvoir, leurs promesses.
Dans les cascades de la rivière, ils croyaient entendre les chants de milliers de feux de camp, le roulement des tambours, le clapotis des rames, le cliquetis des sabots, le grincement des roues de chariots, le crépitement des mousquetons, le fracas des arbres abattus, le bruit des pelles et des pioches, ainsi que des voix, des voix insolites aux inflexions nouvelles, qui parlaient de rêves inconnus.
Ils vinrent donc, les étrangers de passage, passagers de la rivière tout comme leurs pères, et leurs jours furent pareils à des ombres sur les berges.
Ils vinrent , animés d'une immense folie, pour dévorer la rivière et ses racines, engloutir ses secrets d'or vert, consumer son incroyable mirage de leur million d'espoirs incandescents, mais c'est eux qui furent avalés, de même que toute innocence fut avalée par le spectre protéiforme de l'Amérique naissante. Avec l'éclat d'un joyau, ils flamboyérent brièvement avant de se fondre dans les vastes ténébres, mais leur lumiére aida à l'enfantement , et pendant ce temps, la rivière attendait , pleine et sans fin, patiente et indocile, voie et défi, pour leur prendre ce qu'ils apportaient et leur rendre ce qu'ils cherchaient et elle coulait, coulait vers l'océan.
nouvel extrait de "Columbia" de Pamela Jekel
Vous vous demandez peut-être pourquoi j'écris ces textes ,
d'un même livre de surcroi ?!
Cette description de la riviére Columbia me " prend les tripes" en fait ; du "Commencement" jusqu'à l'arrivée des Hommes, du peuple Chinook à l'arrivée des Blancs !!! Des mots qui font vibrer quelque chose en moi; l'auteur laisse "parler" la riviére , une préface aux chapitres du roman ; donnant " vie" à la riviére comme je n'aurai pas cru possible !!!
Et .... ce n'est pas fini !!!!!