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4 juin 2011 6 04 /06 /juin /2011 00:42

Préface du livre: Soleil Hopi de Claude LEVI-STRAUSS (2e partie)

 

 

 

HopiProphecyStone

... Même pour les villages du sommet qui sont les plus nombreux ( et parmi lesquels figure Oraibi-le-Vieux , sur la Troisiéme mesa, c'est-à-dire celle de l'ouest ), les jardins, les pâturages, et certains points d'eau, sont en plaine .

La vie indigéne consiste donc, pour les hommes et pour les femmes, en continuelles montées et descentes, alourdies par les fardeaux, au flanc des parois souvent abruptes. La population actuelle est d'à peu près 3 000 âmes , dont 125 seulement pour Oraibi-le-Vieux, qui comptait environ 1 000 habitants en 1890, à la naissance de Don C.Talayesva , narrateur de Soleil Hopi.

 

Cette diminution s'explique par le schisme qui se produit en 1906-1910 , entre Friendlies et Hostiles - nous dirions aujourd'hui "collaborateurs" et "résistants" - ,et à la suite duquel une partie de la population émigra vers d'autres villages : Hotavila, Oraibi-le-Neuf , Moenkopi... Il en est question dans le récit ( que je vous invite à lire !!!). 

 

La découverte des Indiens Pueblo remonte à la premiére moitié du XVIe siécle, quand les expéditions espagnoles de Cabeza de Vaca (1536) et de Coronado ( 1540) entreprirent d'explorer les régions au nord du Mexique. Des missions s'installèrent peu après, mais, en 1680, les Hopi se révoltérent et massacrérent tous les prêtes espagnols, réussissant ainsi à conserver une relative indépendance jusqu'à la seconde moitié du XIXe siécle, ce qui explique l'exceptionnel état de préservation de leurs coutumes sociales et de leur vie religieuse.

Même aujourd'hui, des parties considérables du rituel restent impénétrables aux ethnologues, protégées par un secret jaloux : ainsi, < la nuit de mystère et de terreur > qui clôt le quatriéme jour de l'initiation tribale, dite Wowochim, quand tous les visiteurs sont exclus du village, et quand les chemins sont barrés.

Le collaborateur américain de Talayesva , Leo W.Simmons, explique , dans son introduction à Sun Chief , les difficultés qu'il rencontra , dès qu'il voulut inciter le narrateur à décrire la fête du Soyal : 

" Ce que je fais au Soyal est un secret, objectait Talayesva, et si vous m'interrogez là-dessus, cela me mettra tout le monde à dos. "

Il fallut lui rappeler livre en main, que Dorsey et Voth avaient pu assister au Soyal quarante ans auparavant et lui avaient consacré une publication ; démonstration qui révolta  Talayesva :

" C'est affreux , cela me navre, ce Voth, mais c'est un vrai voleur, il dévoile tous les secrets. "

Résigné à parler, Yalasyeva s'interrompt aussitôt, quand un dignitaire du Soyal entre dans la piécce où se déroule cette conversation.

HOPI TERRITOIREHopi Buttes

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

De l'occupation espagnole, les Hopi ont conservé le cheval, l'âne, le mouton, le pommier, le poirier, le pêcher et l'abricotier, divers légumes. Depuis longtemps, ils avaient des chiens et des dindons domestiques, et ils élevaient des aigles captifs. Traditionnellement, ils étaient chasseurs, collecteurs et jardiniers. Le gibier comprenait ours, chevreuil,antilope,puma,chat sauvage,blaireau,loup,renard,coyote,et différentes variétés de rongeurs, mais aucune espéce ne fut jamais abondante, sauf le lapin. Dans leurs jardins, ils cultivaient maïs,haricots,courges,melons,pastéques,tournesol,tabac et coton, toujours de façon précaire à cause des faibles précipitations, pourtant dangeureuses par leur brutalité : les pluies d'orage sont rares mais quand elles se produisent , elles dévastent  les cultures. Aussi, la collecte et le ramassage jouaient un rôle important dans l'alimentation. Pour récolter les amandes de pin et autres graines, les baies,les fruits de cactus,et ausi le sel, les indigénes parcouraient à pied des distances considérables.

 

Le Hopi est une langue du groupe shoshone, qui appartient lui-même à la grande famille Uto-Aztéque; ce n'est donc SOLEIL HOPIpas seulement au point de vue sociologique et religieux que ces Indiens évoquent, sous une forme rustique , les grandes civilisations plus au sud :" Mexico, ce pueblo" , a écrit une fois Bandelier. On a souvent parlé de "théocratie" à propos des Pueblo, car nulle part ailleurs dans le monde , on ne peut voir une organisation sociale et une pensée religieuse , l'une et l'autre incroyablement complexes, plus inextricablement mêlées.

Les Hopi sont répartis en clans - dont le nombre a diminué avec le temps, et qui est actuellement d'une trentaine - généralement regroupés par deux, trois ou quatre, en phratries. Les mêmes clans se retrouvent dans plusieurs villages. Clans et phratries sont exogamiques, c'est-à-dire qu'un individu ne peut épouser un membre de son propre clan ou phratrie, non plus, d'ailleurs, qu'un membre du clan ou de la phratrie de son père. En effet, la filiation est matrilinéaire , et un individu appartient automatiquement à la phratrie et au clan de sa mère, et non à ceux, toujours différents, de son père, bien qu'il entretienne avec eux des ralations particuliérement étroites. Les femmes possédent les maisons d'adobe (briques crues), la résidence étant matrilocale : un homme quitte, au mariage, la maison de sa mère et de ses tantes maternelles, pour aller habiter celle de sa femme, qui appartient à sa belle-mère. Si la femme a des mtifs de se plaindre , elle rassemble les affaires de son mari, les place sur le seuil, et l'homme, ainsi prévenu, n'a plus qu'à retourner à la maison maternelle. En compensation, les hommes possèdent les kiva : vastes piéces souterraines, à la fois temple, club, atelier et dortoir.

Cette structure sociale se double d'une terminologie de parenté très différente de la nôtre, et dont il est nécessaire de dire un mot, si l'on veut comprendre certaines nuances du récit de " Soleil Hopi".

Tout individu " appartient " au clan de sa mère , mais il est " enfant" du clan de son père. En effet les Hopi ont un systéme de parenté du type dit " Crow " , où les termes, au lieu de s'appliquer, comme chez nous, à un niveau déterminé de génération , s'étendent sur plusieurs générations consécutives au sein d'un même clan, ou lignée : j'appelle " enfants" ou " petits-enfants " (selon que je suis homme ou femme ) , tous les enfants des hommes de mon clan, que ceux-ci soient des arriére-grands-oncles ( dont les enfants sont beaucoup plus âgés que moi) , ou des frères cadets ( dont les enfants sont plus jeunes ) . Inversement, tous les hommes du clan de mon père sont des " pères " , même s'il s'agit , en fait, de petits-neveux, et tous les hommes du clan du père de la mère, des " grands-pères ", quelle que soit la génération.

Ainsi un individu quelconque peut se trouver en situation d'appeler du même terme " grand-père ", un vieillard, et un enfant au berceau. Un des apports les plus prècieux de Soleil Hopi à la théorie ethnologique, est la description des difficultés psychologiques que peut comporter l'apprentissage d'un tel système, même pour un enfant né dans une société qui le pratique traditionnellement. walpismall

 

Chaque village hopi formait ( et forme toujours, jusqu'à un certain point ) une unité politique autonome, dirigée par un chef-prêtre héréditaire ( en ligne maternelle ) , assisté d'un commandant militaire et d'un héraut, et par le Conseil des chefs de clans. Cet ensemble de dignitaires respectés constituait une hiérarchie religieuse , dont l'autorité était garantie  par des sanctions surnaturelles, plutôt que par des pouvoirs de police. L'esprit véritablement " clérical " qui imprégne la société hopi ( et celle d'autres pueblo) se manifeste, tout au long du récit de Talayesva, par l'ampleur et la richesse des spéculations métaphysiques, mais aussi, il faut le dire, par une certaine bigoterie.

A l'auteur de ces lignes, le grand ethnologue américain Robert H.Lowie confiait, dans les derniéres années de sa vie, que, des Crow et des Hopi chez lesquels il avait séjourné et travaillé , les premiers seuls avaient gagné sa sympathie, mais qu'il n'avait jamais réussi à aimer les seconds: 

" Ainsi, poursuivait-il, un Indien Crow trompé par sa femme, lui taillade le visage; tandis que, sans se départir de son calme, un Hopi, victime de la même infortune, fait retraite et prie, pour obtenir que la sécheresse et la famine s'abattent sur le village. " 

C'est qu'en effet, pour un Hopi, tout est lié : un désordre social, un incident domestique, mettent en cause le systéme de l'univers, dont les niveaux sont unis par de multiples correspondances; un bouleversement sur un plan n'est intelligible, et moralement tolérable, que comme projection d'autres bouleversements, affectant les autres niveaux.

GrandfatherMartinGashweseoma

( à suivre...)

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commentaires

F
<br /> <br /> Blog(fermaton.over-blog.com).No-30. THÉORÈME BALTASSAR.--DÉSORDRE SOCIAL ??<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
A
<br /> <br /> Hau Ptewi<br /> <br /> <br /> Merci pour ces informations.<br /> <br /> <br /> Levi Strauss, quel grand sociologue, toujours à l'affut des peuples oubliés ou inconnus. Heureusement qu'il y en a eu comme lui pour nous faire partager cette rencontre.<br /> <br /> <br /> Je voulais te demander si tu connaissais des évènements en France consacrés aux Amérindiens: conférences, festivals qui leur sont consacrés...<br /> <br /> <br /> Je te souhaite une bonne fin de journée<br /> <br /> <br /> Bisous<br /> <br /> <br /> Almaya<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
D
<br /> <br /> Hau Almaya,<br /> <br /> <br /> Heureusement que nous avons les livres et des auteurs qui ont le désir de partager ...tant de choses à découvrir!<br /> <br /> <br /> Pour les fêtes..hum...il y en a un peu partout mais je ne peux pas vraiment te conseiller telle ou telle fête . Je ne suis pas férue de ces "foires" , je sais qu'il en existe de belles<br /> mais en régle générale, un peu trop de " clinquant", beaucoup de "pacotille" et pas assez de réalisme. Je pense que tu peux faire recheche sur Google : fête indienne, pow-wow, etc... il y a des<br /> calendriers qui t'indiquent dates et lieux sur la France entiére.<br /> <br /> <br /> Ce WE, il y a une fête au village voisin, le théme Indiens/cow boys... je vais y aller , Ambre adore ça aussi mais hum.. souvent déçue, je redoute un peu ; en fait je crois que j'attends<br /> trop .... MDR<br /> <br /> <br /> bonne semaine à toi, des bisous, toksa ake<br /> <br /> <br /> <br />

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